
Les images affluent au milieu des bulles.
Un voyant, ça nage.
Réfléchissons.
X in the river.
Quelle rivière ?
Où ?
Voyons voir.
A Eagles Mère, Pa.
Pa ?
Pennsylvania ?
Près d’Allentown, Bethlehem, Loyalsock Forest.
Il y a des champs.
Ça ressemble à ici.
C’est ça le hic, tout ressemble à tout.
C’est une vraie maladie.
Mère, Pa ?
Ouhlà, on s’approche du but. Papa-maman cheval.
Ça sent l’écurie.
Je ris tout seul.
Respire.
On ne peut pas rire et nager en même temps.
Mere, prononcez maière, ça s’écrit mère sans accent grave, comme adjectif ça veut dire simple, maière tchance, par pur hasard, et le nom veut dire étang.
Un simple étang, alors ça !
Un lac.
Il n’y a pas de courant.
Je croyais que c’était une rivière.
Je déteste les lacs.
L’eau morte.
A rush of images amid the bubbles
All visionaries swim.
Think it over.
X in the river.
Which river?
Where?
Let’s see if we can see.
In Eagles Mere, Pa.
Pa?
Pennsylvania?
Near Allentown. Bethlehem, Loyalsock Forest.
Plenty of fields.
Kind of like here.
That’s the hitch, everything’s like everything.
It’s a real disease.
Mere, Pa?
Mere, mère, maman, Ma, Pa.
Now we’re homing in on something. Ma-Pa horse.
Smells like a stable.
Laa—laughing all alone.
Breathe.
You can’t laugh and swim at the same time.
Mere, it means pond.
Merely a pond then!
By mere chance, and not merrily, a lake.
No current. I thought it was a river.
I hate lakes.
Dead water.
Je colle ça avec ça, mon cœur mis à nu, et fffft fait la bande douce, la bande magnétique dans sa boîte métal, on compare, on
incruste, on superpose, on comprend que les sensations sont des choses.
On peut les toucher.
Des machins en volume.
Hérissés avec des bords.
Des chansons en dur.
On peut les faire tourner dans l’air de l’autre côté à l’envers.
Tout est net.
Tout est net jusqu’à l’infini, la même netteté dans les plis, tout est plissé et précis, le narrateur embrasse sa dulcinée, il voit l’émail de ses dents à cent mères, il peut compter le nombre de cheveux par mèche, il tourne autour du grain de beauté, au moment ad hoc, les pores de la peau nous crèvent les yeux oh ça nous change le baiser, le moindre frémissement de sa lèvre supérieure actionne des milliers de petits palpeurs qui entourent la lèvre adverse, miam.
La technique c’est bien.
Vous me direz, la première femme que j’ai embrassée, c’était une déesse de marbre, grandeur nature, tenant une torchère, éclairant un escalier. Lèvres de pierre et tourbillon vertical.
Moi j’étais grandeur enfant.
Dans un angle de cette entrée, sur le marbre à carreaux noir et blanc, une banquette, un coffre recouvert de cuir clouté, de taille suffisante pour faire un sarcophage où disparaître.
Stop.
Je n’ai pas besoin de cette machine.
Je sais le faire.
Je fais tout les yeux fermés.
En direct.
Comme ça.
Je suis vraiment un mage.
I try this with that, my heart wide open, and fffft goes the supple tape, the magnetic tape in its metal box, and in comparing, embedding, superimposing, you realize sensations are things.
You can touch them.
They take up space.
They bristle and edge.
Solid songs.
You can spin them through the air, from the other side and backwards.
Everything’s sharp.
Infinite sharpness, the same crispness in the folds, everything’s creased and crisp, the narrator kisses his sweetheart and sees her tooth enamel from 100 yards away. He counts every strand of her hair, examines her beauty spot from every angle, in this ad hoc moment, the pores of her skin are blinding us, oh a kiss was never quite like this, the slightest quiver of her upper lip activates thousands of little sensors on the underside, yum.
Technical stuff is fun.
You tell me the first woman I kissed was a life-sized marble goddess holding a candelabra, lighting a stairwell. Lips of stone and a vertical vortex.
I was pint-sized.
In a corner of this entryway, on the black and white marble tiles, a bench, a trunk covered in studded leather, big enough to be a coffin, big enough to disappear into.
Stop.
I don’t need this machine.
I know how.
I do everything with my eyes closed.
And it’s live.
Just like that.
I really am a mage.
Ça y est, je rentre, oh c’est merveilleux. Je vais dans ce coin, je me glisse dans les saules. Cailloux
à droite. Je vois ce qu’on entend. Mon doigt ouvre des paroles. On remonte la
rive avec elle, on va de son côté, elle est d’accord, on gravit un pré sans un mot, c’est exactement ce qu’on voulait, et enfin on peut dire « on » à la place de « je ». Non, désolé, je m’embrouille, je voulais dire « je » peux dire enfin « on », puisque je suis « je » pour une fois, vous savez c’est exceptionnel, je ne le regrette pas, mais c’est fort, c’est plus fort que d’habitude, d’habitude je joue un rôle, c’est terrible, mais c’est comme ça, par ennui, etc., je développe une très longue théorie sur tout ça. Qu’en substance j’étais souvent hors de moi, que je n’avais pas de vie propre, etc., et pour quelles raisons et à cause de quoi. Elle ne répond rien. Elle a raison, on n’est pas obligé de tout dire. Et puis parler en marchant ce n’est pas pratique. Elle ne dit toujours rien, on marche dans un jardin ultrachaud, mouches bourdonnantes, ouragan d’arbres vert sombre, chemise de jour en grosse dentelle, un paysage cultivé et sauvage en même temps. C’est exactement ce qu’on veut. Prairies mosaïque, chaleur énorme, trajet assez long dans un jardin fouillis, et crac, on se retrouve nez à nez devant la maison, enfin, la maison parfaite, la magie normale accessible à tous. Ferme puritaine Old England, bibliothèque remplie jusqu’au cou de livres, petites aquarelles de fleuves gris, objets quotidiens devenus gravures sur bois, grosses poutres et odeur de grange, cabane géante au bord de la forêt, je suis comblé, lui dis-je, et on s’embrasserait.
Sex doré.
On infuse l’après-midi dans une baignoire de bois remplie d’une grosse pelletée de fleures de tilleul. J’aime son appareil de vision.
J’aime sa peau et ses tendons.
La manière extraordinaire avec laquelle ses nerfs articulent son visage.
Ah vous êtes chanteuse.
Je ne savais pas.
Bon.
Je défonce à coups de hache un petit boneur-du-jour en bois de violette. La marqueterie ressemble au bois précieux d’un violon. Je reconstruit. Luthier maison. Je colle, je coupe, aussitôt dit aussitôt fait. On joue. Il se trouve qu’il y a dans un coin un harmonium abandonné, on se fait des cantates à deux en réduction.
Il y a des touches avec voix d’ange.
On pédale pour faire respirer le petit orgue.
On pense à l’été, on pense à l’été du point de vue de l’hiver, on rêve à l’été. On s’agrandit, comme le cœur qui gonfle, ou les bras s’ouvrent, afflux de larmes, sternum relâché, abdomen d’abeille, vive les comparaisons, j’ai des ailes de libellule. En calque veiné et plume de soie. Elle me fait penser à quelqu’un qui, sans le savoir, importerait dans une campagne moyenne, belle, mais à petite dimension, un paysage énorme comme dans ces parcs où l’on reconstituait avec quelques rochers au centre des villes une impression de montagne en accéléré. Faisons comme elle, agrandissons, prenons le large, vacances, abandonnons les détails. Grue gigantesque, ballon, on lâche les sacs de sable et on se retrouve en haut.
Here goes, I’m in, oh it’s marvelous. I find a corner, slip between the willows. Pebbles on my right. I see what you can hear. With my fingers I open the words. Walk along the banks with her, in her direction, she agrees, through a meadow without saying a thing, exactly what you want, at least I don’t need to say “I” anymore. No, sorry, what I meant is that “I” can mean anyone—you, we, they—because I am “I” for once. You know it’s rare, I don’t regret it, but it’s intense, more intense than usual, usually I play a role, terrible, but that’s the way it is, out of boredom, etc. I’m developing a very long theory about all of that, where in essence I’m outside myself, don’t have my own life, etc., and the reasons and causes of all that. She doesn’t respond. She’s right, no need to talk all the time. And then, talking and walking isn’t practical. She’s still silent, we walk through an ultrahot garden, buzzing flies, upheaval of dark green trees, camisole with wide lace trim, a countryside at once cultivated and wild. Exactly what you want. Mosaic prairies, enormous heat, longish walk through a jumble of garden, and crackkkk, right up to the house, the perfect house. Normal magic accessible to all. Old England farmstead, library brimming with books, small watercolors of grey rivers, everyday objects engraved in wood, thick beams and the smell of hay, giant cabin on the edge of the forest, I couldn’t be happier, I sigh. That’s might I would kiss her neck.
Golden sex.
We steep the afternoon in a wooden bathtub filled with scoops of linden flowers. I like her visual apparatus.
I like her skin and her tendons.
The extraordinary way her nerves articulate her face.
Oh you’re a singer.
I didn’t know.
Right.
With an axe I chop up a little violet wood bonheur-du-jour. The inlays look like the precious rosewood and ebony of a violin. I reconstruct. Home-schooled luthier. I glue, cut, no sooner said than done. There’s an abandoned harmonium in a corner, the two of us put on renditions of cantatas.
Key with angel voices.
We peddle to get the little organ breathing.
We think summer, summer from the perspective of winter, we dream summer. We grow and grow, like a heart swelling, arms opening, flood of tears, sternum drop, bumble bee abdomen. I stretch my dragon fly wings. Long live comparisons. Veined tracing paper, silken feather. She makes me think of someone who, without knowing it, imports an enormous landscape into a country scene, pretty but small-scale, like those parks in the middle of cities where they take a few rocks and fast-forward to a mountain chain. Follow her lead, let’s grow, sail into the sky, abandon the details, vacation time. Gigantic crane, hot-air balloon, drop the sandbags and up we go.
Je me lève tôt.
Je me décale.
Le soleil est blanc.
La route de l’hôpital blanche.
Essayons.
On va commencer avec ça.
Se programmer.
Mettre en phrase mes commandes.
On va se concentrer.
C’est mon nouveau sport.
On va remonter le cerveau à l’envers, dès qu’une idée sort, comme une liane, on va la repiquer. On fait un écheveau. Une bobine de fil abandonnée, un électroaimant. On refoule, on accumule, on tresse, on se noue.
Comme ça.
Ressort la parole qu’on veut.
Et c’est irrésistible.
Un pélican plonge dans le bec de son fils.
Ça se mélange.
C’est merveilleux.
On chante à deux voix.
Pose tes pas.
Ça parle.
I’m up early and moving.
The sun is white.
The road to the hospital, white.
Let’s try.
We’ll start with that.
Self-program.
Phrase my commands.
Concentrate.
It’s my new sport.
We’re going to put the brain together backwards, as soon as an idea comes out, like a vine, we’re going to re-transplant it. Make a skein. An abandoned coil of wire, an electromagnet. We run it back, we stack, braid, join together.
Just like that.
Out comes the word we want.
And it’s irresistible.
A pelican plunges into his son’s bill.
Everything mixes.
It’s marvelous.
One song, two voices.
Step through spaces.
It speaks.